jeudi 10 mai 2007

Voter, cet acte égoïste.

S’il y a une chose que les représentants politiques ont bien appréhendé, et particulièrement cette année, c’est que de la politique les électeurs de comprennent rien. La charpente de leur schéma de séduction recouvre une réalité bien différente de celle vendue au commun des français, et des autres. Les mensonges fusent, la cité attendra.

Combien de personnes ont, pour tel ou tel candidat, fait leur choix en fonction des aboutissements éventuels sur leur propre vie, sur leur propre quotidien ? Combien sont-ils à promener leurs préférences autour de leur petit nombril insignifiant en tant qu’il ne représente rien d’absolu ? La politique, c’est la structure, le fonctionnement d'une communauté, d'une société. La politique concerne les actions, l’équilibre, ses rapports internes et ses rapports à d'autres ensembles. La politique est principalement ce qui a trait au collectif, à une somme d'individualités et de multiplicités.

Voter aujourd’hui, n’est-ce pas confondre individualité et individualisme ? Les projets communs, la construction, l’harmonisation… tout cela a-t-il rejoint le monde de l’utopie ?

Le fonctionnement de la campagne qui vient de se terminer, et les conséquences désastreuses du scrutin ne sont que l’aboutissement de la phase de putréfaction de la démocratie, entamée depuis bien longtemps.

Convoiter les voix de tout le monde, un par un, littéralement au porte à porte et dans le sens du poil, proposer ce que chacun souhaite (entendre), attiser les haines des haineux, encourager les rancoeurs des véhéments, tout cela revient à déconstruire encore un peu plus la cité. Et l’illustration de tout cela, ce n’est pas tant la présence de protagonistes célèbres, acteurs ou chanteurs au patrimoine exorbitant, sur le devant du décor , que l’appel aux valeurs travail, à l’assistanat, aux salaires et pouvoirs d'achat, aux hamsters et autres pécaris. Ratisser large, caresser l’axe central de l’égoïsme pur, et dur. Deux possibilités pour cela.

Acérer les crocs des conservateurs (je veux conserver mon argent pour moi), ou opposer (ceux qui se lèvent (tôt) aux oisifs). Ça, c’est pour ce qui est conscient et volontaire.

Le deuxième type de vote égoïste peut s'illustrer par deux exemples : je suis chercheur et je crains pour mon métier, je suis fonctionnaire et j’ai peur pour les conditions de travail… tout cela fonctionne à partir du même constat. Une élection est paradoxalement un acte qui casse la démocratie au sens où elle exacerbe les individualités au détriment de l’agencement de la société.

vendredi 4 mai 2007

Nicolas Sarkozy : le candidat des vieux inactifs à la retraite qui ont peur des jeunes et de la justice

Je copie colle sauvagement (le temps presse quelque peu...) un article de betapolitique.
Je ne commente pas, il n'y a rien d'autre à dire.

L’enquête menée par IFOP pour le JDD et M6 sur les intentions de vote au deuxième tour donne gagnant Nicolas Sarkozy, avec 52,5% (-1,5%) contre 47,5 (+1,5) pour Ségolène Royal, avec 9% d’indécis.

Le résultat le plus surprenant de cette étude ne tient pas à ce chiffre, mais au détail de la répartition des votes par tranches d’âges.

En effet Ségolène Royal arrive en tête des intentions de votes dans toutes les classes d’âges situées en dessous de 65 ans.

Si le candidat de l’UMP parvient tout de même en tête c’est qu’il fait un tabac chez les retraités, avec un score atteignant 75% qui lui permet de combler son retard.

Ventilation par classe d’âge du vote Royal :
- 18/24 ans 53%
- 25/34 ans 54%
- 35/49 ans 56%
- 50/64 ans 51%
- 65 ans et plus 25%

Voila donc une réalité sociologique inattendue : c’est le vieillissement de la population qui tire le corps électoral français vers la droite. D’où très certainement la logique d’avoir tapé sur Mai 68, une période sans intérêt pour nous, Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy, mais un moment fondateur pour tous ces vieux qui se sont fait peur à cette époque.

Ainsi, loin d’être le candidat du travail et des forces vives comme son discours volontariste semble l’affirmer, Nicolas Sarkozy serait en fait celui de l’inquiétude et des peurs ressenties par une population vieillissante, devant une modernité qui la bouscule et qu’elle refuse.

Ainsi, malgré 5 années de propagande Sarkoziste avec l’aide massive de la plupart des médias, Ségolène Royal serait majoritaire dans le pays dans toutes les catégories d’age de 18 à 64 ans !!!!!!!!

Ainsi, tous les efforts des militants, des sympathisants, la mobilisation d’une partie des abstentionnistes le 22 avril se heurte à cet implacable constat : les trois quart des seniors de plus de 65 ans ruineront tout espoir de victoire !!!

Avec une préférence de 55 ou 60% pour Sarkozy, cette catégorie des « plus de 65 ans » n’aurait pas pu faire basculer l’élection. Mais avec 75%, chiffre considérable, c’est toutes les intentions de vote des moins de 65 ans en faveur de Ségolène Royal qui sont laminées.

Comment se fait-il que personne n’en parle !!!

On peut comprendre l’UMP qui n’a aucun intérêt à ébruiter une telle étude !!! Minoritaire chez tous les moins de 65 ans !! Une information des plus désagréable ! Un échec cuisant !

Il faudra sérieusement se pencher sur la question à court et moyen terme, afin de se rapprocher de cette tranche d’age pour expliquer, rassurer, rétablir certaines vérités.

A moins que tous les enfants et petits-enfants favorables à Ségolène Royal n’appellent leurs parents ou grands-parents avant dimanche 6 mai pour tenter de les raisonner, l’élection est perdue.

En attendant, une seule solution :

- Une mobilisation sans précédent de la part des abstentionnistes, votes blancs et votes nuls qui devront faire un effort considérable pour simplement rééquilibrer les choses.

- Faites circuler cette information autour de vous, et tentons tous de les convaincre autour de nous, autant que faire se peut, au nom de cette terrible et injuste pénalité infligée aux 18-64 ans opposés à Sarkozy.

source : http://contreinfo.info/article.php3 ?id_article=916

http://www.betapolitique.fr/spip.php?article0787

mardi 1 mai 2007

Réfutations

Réfutations, un film de Thomas Lacoste.

Services publics, impôts, santé, libertés, politique internationale…un programme de régression sociale et de crispation autoritaire.


" Seize militants et chercheurs, seize regards acérés sur le monde que nous prépare Nicolas Sarkozy. Ni haine, ni diabolisation, mais la réalité d'une droite décomplexée en passe d'accéder au pouvoir. Une déconstruction implacable de la rhétorique sarkozyste, à voir d'urgence... Avant qu'il ne soit trop tard ! "

Vous pouvez acheter ce dvd sur http://www.lautrecampagne.org/

Et comme il y a urgence,

4 morceaux du film ici ; http://www.mouvements.asso.fr/spip.php?article78

Toujours à mettre au crédit de l'excellent www.lautrecampagne.org, un texte de quatre pages, intitulé Nicolas Sarkozy à l’épreuve des faits.

Nicolas Sarkozy cultive une image d’homme d’Etat, pragmatique et compétent. A
chaque problème sa solution, qui tient souvent en une formule choc. Mais avant de
lui confier les rênes du pouvoir, il est utile de confronter ce discours à la réalité [...]

Plus qu'intéressant, indispensable, à diffuser sans modération !

vendredi 27 avril 2007

Savez-vous, Mme Chabot,

... qu'un salarié qui travaillerait 50 minutes de plus par jour (50 minutes de plus, pas 1 heure, c'est important, n'effrayons personne) verrait son salaire à la fin du mois augmenté de 15% ?
Non, elle ne le sait pas Mme Chabot.
4,16 heures par semaines, environ 17 heures par mois.
Ca fait une augmentation.
Ca, c'est certain, merci Mr Sarkozy.
Quelle cruche cette Arlette Chabot.
C'était hier soir sur Francedeux.
Pour reprendre une tournure de phrase que vous affectionnez quand vous vous adresser aux journalistes : Savez vous, Mr Sarkozy, que le modele de travail que vous proposez donnera surtout l'occasion à beaucoup d'obtenir des emplois à 15/20 heures par semaines (et que travailler 50 minutes de plus, ça leur fera une augmentation qui, c'est vrai, donnera un super salaire).

Quoique n'importe qui pourra refuser ces contrats caca qui les feront sortir du nauséabond nombre de chômeurs.
Ah non.
On ne pourra pas les refuser. Enfin pas deux fois. Donc une seule.
J'aurais pu et du enregistrer cette émission et démonter un à un ses arguments (son apologie du model Danois par exemple. Les hommes politiques français se réfèrent au modèle danois de « flexicurité », qui selon Thomas Coutrot, économiste, relève d’une rhétorique hypocrite des libéraux voulant la flexibilité sans se donner les moyens d’assurer une véritable sécurité, PAR EXEMPLE parmis tant d'autres)

Ensemble, tout devient possible, mais alors vraiment tout.

A noter la très médiocre qualité des journalistes, qui ne contre-argumentent pas, n'opposent pas la vérité aux mensonges (les chiffres de la délinquance, comme vous le savez, Mr Leclerc, ont fortement baissé -> Oeil vide et apeuré de Mr Leclerc).
Des journalistes qui feignent de faire leur métier avec un ton sérieux, deux/trois coupages de paroles, et une légitimité qui tient de leur seule et unique présence sur le plateau.

Imposture, mensonges, danger.

Oui, Royal ne "relèvera" pas la France. C'est évident. D'une part parce qu'elle serait présidente et que la mission dont il est question relève du ministère, et d'autre part parce que l'image d'une France qui se relève n'a rien à voir avec la situation actuelle. C'est un déplacement de gauche à droite, pas du bas vers le haut, dont il est question, et Chabot et Leclerc le savent bien. Mais ont-ils peur?

NS est très fort. Il est avocat, rêvait de devenir journaliste, maîtrise mieux que sa concurrente le plateau de télé.

Mais il est dangereux (Mélangez un peu de Reagan, une dose de Thatcher, agrémentez le tout d'une pincée bien appuyée de Berlusconi, et on sera au plus proche du petit napoléon), et entouré sur les plateaux télé et conférences de presse de trouillards, d'incompétents.
Ca me rappelle la seule fois où j'ai entendu un journaliste le désemparer par sa question (C'était quelque chose comme : Mr Sarkozy, vous prônez dans le discours que vous teniez à l'instant la liberté, la légèreté... Mais pour venir ici à votre QG de campagne, j'ai vu 3 fourgonnettes de CRS, deux de la police nationale, des policiers en civil, des barrières empêchant jusqu'au riverains de rejoindre leur foyer, qu'entendez vous vraiment par liberté? S'en est suivie un silence gêné, et une réponse approximative et molle, précédent une sorte de "question suivante?" embarrassé)
C'était pour 'là bas si j'y suis', meilleure émission de radio (et de télé) actuelle.

Au premier tour, en proportion, les ouvriers ont beaucoup plus voté Sarko que les cadres. Ces derniers étant traditionnellement à droite, on constate que l'accès à l'éducation dont ont (souvent) bénéficié les cadres les fait pencher hors du champ Libéral- Sarko-extrêmiste.

Fight.

mercredi 25 avril 2007

Berluskozy

Si ce blog n'est pas un blog politique, l'urgence de l'actualité et l'imminent danger de voir la droite, soit, mais aussi et surtout Sarkozy, gagner cette élection, mérite de consacrer tout l'espace possible sur ce sujet.

Je citais il y a quelques billets l'article paru dans libération qui décrit assez bien la familiarité que l'on peut constater entre Sarkozy, Thatcher (et/ou Reagan) et Berlusconi.
Ce dernier, lundi, lui a affiché son soutien. Quelle surprise.

"Si on lit les discours de Sarkozy, on s'apercevra que de nombreux points sont tirés de mes livres ", s'est tout récemment vanté Berlusconi dans une interview accordée à la chaîne RAI 2.
"Si c’est Sarkozy qui gagne, sa présidence s’unira à celle d’Angela Merkel pour faire une Europe plus occidentale et plus atlantique
"[...]"naturellement nous sommes des supporters de Sarkozy".

L'homme le plus important de France en ce moment, vous aurez compris Bayrou, a même dit aujourd'hui :
"je pense qu'il y a des ressemblances entre Berlusconi et Nicolas Sarkozy".

A lire à ce propos Sarkozy, Berlusconi, mêmes causes, mêmes effets, ici



Pendant ce temps là, au gouvernement

Ce qui est bien avec les élections, c'est qu'on constate que les français s'intéressent à la politique.
Qui dit ça?
Les journalistes? les politiques?

Les deux.

Pourtant ce n'est qu'en partie vrai. Ce n'est pas vraiment la politique en tant que telle qui passionne les français en ce moment, mais bien les élections.
Pour sauver Royal, tapez 1.
Pour sauver Sarkozy, tapez-le.
Pardon.

Je veux en venir à cette tribune de Philippe Janet.

"Discrètement, en marge de la campagne, le gouvernement prépare un décret qui, s'il était appliqué, tuerait l'Internet "made in France". En effet, sous prétexte de surveiller au plus près les internautes, un décret d'application de la loi sur la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004, exige que les éditeurs de sites, les hébergeurs, les opérateurs de téléphonie fixe et mobile et les fournisseurs d'accès à Internet, conservent toutes les traces des internautes et des abonnés au mobile, pour les délivrer à la police judiciaire ou à l'Etat, sur simple demande [...]"
Pour un petit rattrapage de ce qu'est la LEN (ou LCEN) -> Wiki
Et pour ceux qui veulent décortiquer le projet de décret, c'est par

Sarkozy, l'emmental

"Un sophisme, ou argument à logique fallacieuse, est un raisonnement qui apparaît comme rigoureux et logique, mais qui en réalité n'est pas valide (à ne pas confondre avec vrai). Le sophisme repose sur le moteur du syllogisme, ou de l’enthymène (avec un argument éludé). L'adjectif fallacieux désigne ce qui est trompeur ou mensonger. La logique désigne en rhétorique l’art de construire un discours cohérent."
Cette définition wikipédia est suivie sur le même site de l'exemple de l'emmental.
  1. Plus il y a d'emmental, plus il y a de trous
  2. Plus il y a de trous, moins il y a d'emmental
  3. Plus il y a d'emmental, moins il y a d'emmental
Où je veux en venir?

L'idée de la délinquance à déceler (et guérir? enfermer?) chez les plus jeunes, chère au petit Napoléon, tient du sophisme.
Il nous avait déjà mis sur la piste avec son entretien "pseudo-philosophique" avec Michel Onfray, voici donc une nouvelle trace de son génie imperturbable.

Tous les délinquants ont eu des comportements déviants dès l'enfance.
Donc, tous les enfants au comportement qualifié (selon quels critères?) d'alarmant seront délinquants (comme Tapie?).
C'est logique, si si.

(Petit conseil à Borloo : Tous les SDF avaient un toît avant d'être dans la rue, ou presque. Ainsi, on peut très tôt déceler le risque de devenir sans abri. Il suffit de chercher les français qui ont un habitat)

vendredi 6 avril 2007

Dati future ministre. Et ça ne va pas rigoler.

A propos d'une éventuelle, prévue mais risquée, impossible et peu probable visite de Nicolas Sarkozy à Argenteuil (je parle d'une visite, pas d'une mise en scène qui elle est probable), le député UMP de Seine-Saint-Denis Eric Raoult a mis en garde son candidat : «Pour tout gâcher, il suffit de 30 gamins excités ou d'un préservatif plein de sauce tomate. Draguer des mômes qui n'iront pas voter, c'est une mauvaise idée. Faut qu'il s'adresse aux papas qui en ont marre des voitures qui brûlent, aux mamans qui veulent pouvoir sortir tranquillement dans la cité. Faut surtout pas que Nicolas nous la joue casquette retournée.»

L'état major du candidat non ministre Nicolas prépare depuis longtemps déjà une rencontre avec des jeunes. Des jeunes représentés par les prodigieux BBR (Bleu Blanc Rouge, si si), protégés de Rachida Dati.

Par chance, Nicolas a cette alliée "sur le terrain". Une du cru, qui plus est. Rachida Dati, originaire d'Argenteuil, est inscrite depuis décembre 06 à l'UMP et a été nommée le soir du dimanche 14 janvier 07 porte-parole de Nicolas. On dirait que les choses se sont précipitées ces derniers temps.

Alors parce que c'est une occasion formidable de le faire, voici un lien vers une toute récente vidéo diffusée sur LaTéléLibre.com de "l'arabe du staff" si je peux me permettre (et je le peux), à propos de son futur ministère, celui de “la renovation urbaine à coup de karcher”.

Les pédophiles et le suicide des jeunes par Nicolas S, philosophe.

En ce moment, sur le site de philomag, on a la chance de lire l'extraitd'une palpitante discussion, assez proche de celle de la nature humaine présente sur ce blog entre Foucault et Chomsky...
Sauf qu'ici, c'est entre Sarkozy et Onfray.

(...)

Nicolas Sarkozy :
Je me suis rendu récemment à la prison pour femmes de Rennes. J'ai demandé à rencontrer une détenue qui purgeait une lourde peine. Cette femme-là m'a parue tout à fait normale. Si on lui avait dit dans sa jeunesse qu'un jour, elle tuerait son mari, elle aurait protesté : « Mais ça va pas, non ! » Et pourtant, elle l'a fait.

Michel Onfray :
Qu'en concluez-vous ?

N. S. : Que l'être humain peut être dangereux. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons tant besoin de la culture, de la civilisation. Il n'y a pas d'un côté des individus dangereux et de l'autre des innocents. Non, chaque homme est en lui-même porteur de beaucoup d'innocence et de dangers.

M. O. :
Je ne suis pas rousseauiste et ne soutiendrais pas que l'homme est naturellement bon. À mon sens, on ne naît ni bon ni mauvais.
On le devient, car ce sont les circonstances qui fabriquent l'homme.

N. S. :
Mais que faites-vous de nos choix, de la liberté de chacun ?

M. O. : Je ne leur donnerais pas une importance exagérée. Il y a beaucoup de choses que nous ne choisissons pas. Vous n'avez pas choisi votre sexualité parmi plusieurs formules, par exemple. Un pédophile non plus. Il n'a pas décidé un beau matin, parmi toutes les orientations sexuelles possibles, d'être attiré par les enfants. Pour autant, on ne naît pas homosexuel, ni hétérosexuel, ni pédophile. Je pense que nous sommes façonnés, non pas par nos gènes, mais par notre environnement, par les conditions familiales et socio-historiques dans lesquelles nous évoluons.

N. S. :
Je ne suis pas d'accord avec vous. J'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a 1 200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d'autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense.

M. O. : Puisque notre entrevue touche à sa fin, je voudrais vous offrir quelques cadeaux utiles avant que nous nous quittions.

[Michel Onfray tend à Nicolas Sarkozy ses
quatre paquets.]

N. S. [amusé] : Vous croyez que ma situation est si grave ?

[Nicolas Sarkozy déballe ses livres tandis que Michel Onfray commente ses choix.]

M. O. :
Totem et Tabou, je vous l'offre parce que Sigmund Freud y traite du meurtre du père et de l'exercice du pouvoir dans la horde. L'Antéchrist de Friedrich Nietzsche, pour la question de la religion, la critique radicale de la morale chrétienne à vous qui, parfois, allez à la messe en famille. Michel Foucault, c'est une lecture que je recommande plus particulièrement au ministre de l'Intérieur, adepte des solutions disciplinaires. Dans Surveiller et punir, Michel Foucault analyse le rôle du système carcéral et de l'emprisonnement, puis de leur relation avec la norme libérale. Pierre-Joseph Proudhon, enfin, car il montre qu'on peut ne pas être libéral sans pour autant être communiste.

N. S. :
Ai-je prétendu une chose pareille ?

M. O.
[se référant à ses notes] : Oui, dans votre livre Témoignage, page 237 : « Le communisme, l'autre mot de l'antilibéralisme ».

N. S. : Vous, vous êtes communiste ?

M. O. :
Ni communiste ni libéral. Je pense qu'il y a des options, notamment libertaires, de gestion du capital qui sont intéressantes et qui reposent sur la coopération, la mutualité,
le contrat, la fédération ou les crédits populaires. Proudhon est un auteur qu'on lit peu aujourd'hui, et souvent mal.

N. S. :
Donc, ça vous intéresse, la complexité ?

M. O. : Bien sûr ! Il vaut mieux qu'on finisse sur un
éloge de la complexité que sur le braquage idéologique
de la première demie-heure...

(...)

jeudi 5 avril 2007

Wow actualité.

"L'Etat doit jouer pleinement son rôle parce qu'il n'y a

pas de pluralisme de l'information, et donc de démocratie

véritable, sans des entreprises de presse rentables et

économiquement viables"

Nicolas Sarkozy, le 04/04/2007.



C'était tout.

Le candidat à la présidentielle, ce produit manufacturé.


Une campagne présidentielle est probablement l’ère la moins intéressante de la vie politique.

Chaque mot des aspirants au pouvoir ne peut être entendu et traduit sans prendre en considération sa dimension électoraliste. Par ailleurs, chaque action des groupes d’électeurs aux intérêts singuliers, agglomère toutes sortes de gémissements et revendications qui ne peuvent être comprises autrement que par une opération opportuniste.


Un souffle, une attitude, un mot, une main posée sur une épaule.

Non.

Un journaliste… ça ne convient pas non plus.

Un essaim de journalistes, un souffle, une attitude, un mot, une main posée sur une épaule, une représentation qui se façonne, le discours de fond s’évapore. C’est un personnage de cire qui se crayonne sur le parcours des écrans et des micros.


Ne parlons plus d’idées ni de concepts, les gens ne les déchiffrent pas, doivent-ils se dire. Ou bien pensent-ils que ceux qui comprennent ont précocement fait leur choix, lorsque les plus légers votent à l’affect, comme on estimerait et choisirait une marque de café plutôt qu’une autre. Ainsi décide-t-on d'engager une campagne de branding.

Simplification extrême par un procédé qui humilie irrémédiablement candidats et citoyens. Mais ces derniers ne comprennent pas, pensent les premiers.


Il faut plaire.

Les suffrages sont conditionnés par un impératif d’ensorcellement, conception née de l’ambition et de la volonté d'atteindre le pouvoir quelque soit le procédé adopté, tant qu’il est pioché dans le marais de possibilités d’une société démocratique.

L’objectif et bien de séduire, d’attirer.

Se faire élire, puis rester.

Il n’est nullement question d’autre chose. Alors on me réfutera que l’on peut charmer par ses idées. Bien entendu. On peut méditer les grands courants, les idées de base, les préférences culturelles, l’assise historique, ... Il s’agira toujours, au-delà de toutes ces strates sédimentaires, de se faire élire, et d’envoûter.


Mesdames, messieurs, dispersez vous et faites place au marketing. Cette discipline qui tend à déterminer la nature d’une offre de bien ou de service en fonction des attitudes des consommateurs. Cette pratique, profusément répandue à présent dans le champ politique, Lewitt la définissait ainsi "Le marketing est une conception de la politique commerciale qui part du principe que la fonction fondamentale des entreprises consiste à créer une clientèle et à la conserver, et qui permet aux entreprises d'exploiter au maximum toutes les ressources dont elles disposent".

Pitoyable application que celle à l’œuvre lors de cette campagne présidentielle (ainsi que pour tant d’autres). Cette dernière mériterait d’enfanter de débats à une hauteur au moins analogue aux enjeux de notre société. Pourtant…

Sans aborder le large et passionnant volet publicité de l’éventail marketing, l’avenir relatif d’un pays se joue donc sur des méthodes de persuasion ou de rhétorique imaginées par quelques Spin doctors (faiseur de présidents), sur les aspects émotionnels au détriment d’un débat (mot si usurpé qu’il en semble grossier) portant sur les programmes précis et les points techniques. Je ne parle de rien d’autre que de manipulation, d’adaptation d’un message aux attentes supposées de l’électorat, de cosmétisation de l’apparence.

Le président d’une nation, où qu’il soit dans le monde, ne l’est devenu qu’en étant séduisant et populaire. Des engagements démagogiques aux promesses les plus populistes, en passant par les mystifications les plus prodigieusement simplistes, le répugnant spectacle de la campagne électorale qui nous est offert depuis de trop longs mois anticipe fort bien du quinquennat à venir, et ce quelque soit l’élu.

mercredi 4 avril 2007

Travail, chômage, quelques idées toutes faites.

  • Le chômage des jeunes.

Un sacré sujet, dont on parle tellement que l’on ne sait plus vraiment ni ce que c’est, ni ce qui est vrai. On constate que le problème est gravissime en période électorale, d’importance certaine le reste du temps, ou encore récurrent, maladif et propre à la France aux yeux des médias.

Il est certain qu’un présidentiable, puisque c’est d’actualité, passera par le discours démagogique et habituel du chômage des jeunes. Celui des vieux est moins abordé. Est-ce parce qu’ils ont déjà leurs habitudes de vote ? Est-ce pour éviter les vagues autour de l’apparente menace de l’allongement de la durée du travail ?

Le chômage des jeunes, on le constate dans un rapport émis par l’Anpe récemment, est le reflet de notre temps : « la classe d’âge la moins défavorisée du point de vue de la durée totale du chômage est celle des 20-24 ans. En revanche, ces jeunes demandeurs d’emploi s’inscrivent nettement plus souvent que leurs aînés. Au total, leurs périodes de chômage sont à la fois plus nombreuses et plus courtes ». Et puis bon, ils étudient aussi, parfois, les bougres.

Leurs emplois aussi, sont dans l’air du temps. Toujours selon l’Anpe, les métiers les plus recherchés sont : Vendeur en équipement de la personne, Secrétaire bureautique polyvalent, Agent de manipulation et déplacement de charges, Employé de libre-service, Agent de stockage et répartition de marchandises, Hôte de caisse libre-service, Conducteur-livreur, etc.

Aussi faut-il dire que si 8.2% des « jeunes » sont au chômage en France, les moins de 25 ans sont, en proportion, assez rarement à la recherche d’un emploi dans la mesure où nombre d’entre eux sont toujours scolarisés. Une mise en relief du contexte s’avère être d’une impérieuse nécessité.

Acrimed, le 10.04.06 a décortiqué le refrain médiatique dont chaque pièce journalistique s’est fait l’écho sur les planches du théâtre CPE.

Extraits.

Dès janvier, Le Monde (17 janvier) joue son rôle de journal de référence et prépare les esprits : « Quand on a un taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans de 22 % (contre 15,1 % en Allemagne et 12,1 % au Royaume-Uni)... ».

Le 1er février, Bernard Revel, en fin connaisseur de la société française, utilise ce chiffre magique pour convaincre les lecteurs de L’Indépendant du Midi des vertus du CPE : « Pour les 23 % de jeunes de moins de 26 ans actuellement au chômage, mieux vaut sans doute un CPE que rien du tout. »

Le 7 février, Hervé Chabaud, dans L’Union, brandit le chiffre magique pour annoncer l’apocalypse que nous promet le refus de la “réforme” : « Le fait d’avoir près d’un jeune sur quatre au chômage ne préfigure-t-il pas le niveau général des sans-emploi demain si rien n’est fait pour offrir d’autres possibilités d’avoir du travail ? »

Toujours en février, on pouvait lire dans la présentation de l’émission « Ripostes » intitulée « Jeunes : Attention, planète précaire » (dernière diffusion le dimanche 5 février 2006), cette trouvaille destinée à donnner sa dimension vraiment dramatique (et sensationnelle) au mal qui frappe la jeunesse française : « Précarité de l’emploi : près d’un quart des moins de 26 ans pointent à l’ANPE ».

La presse écrite, de son côté, intensifie son travail de « mise en perspective » ...

Paris Match, le 9 mars, sous la plume d’Axel de Tarle : « Non au C.p.e. ? Alors oui au chômage des jeunes ! Taux de chômage des jeunes : 25% . Mais, surtout, ne rien faire ! »


Jean Pierre Pernaut, dans le JT de 13 heures de TF1, le 5 avril : «La France est aujourd’hui, on le sait , le pays d’Europe où le chômage des jeunes est le plus grave : 25 % , un sur quatre . Chez nous, ce qu’ on appelle la flexibilité du travail continue à faire peur, on l’a vu depuis deux mois ». Et, au terme d’un reportage sur le chômage des jeunes dans certains pays d’Europe, il réaffirme martialement sa certitude : « 7 % de jeunes chômeurs, on l'a vu dans ce pays, le [danemark] , 25 % en France... »

Challenges, le 23 mars, dans le “Bloc-Notes” de Jean-Marie Colombani : « le taux de chômage des jeunes (de 15 à 29 ans) est de 17 % soit presque le double du taux de chômage de l’ensemble de la population. »

En choisissant une tranche d’âge élargie vers le haut, le patron du Monde affirme l’originalité de son esprit rebelle. Mais dans les colonnes de son journal, le 2 avril, il revient au classicisme et donne le même chiffre que ses confrères : « le taux de chômage des moins de 25 ans ( 22,3% ) place la France parmi les plus mauvais élèves de l’OCDE(*) ». Ouf !

En réalité, en France, le chômage touche 23% des jeunes sur le marché du travail

N’allons pas, comme en sourit Philippe Monti dans l’article d’acrimed, « imaginer que dans les files d’attentes de l’ANPE se mêlent de jeunes adultes et des adolescents en quête d’emploi, […] des enfants au regard perdu, parfois trop petits pour que leurs charmantes têtes blondes puissent seulement atteindre le bord du guichet... »

Toujours sur Acrimed, on peut lire de l’aveu même de Jacques Marseille, prédicateur ultralibéral qu’« en fait, ce ne sont pas 23 % des jeunes qui sont au chômage, mais 23 % des jeunes de 15 à 24 ans qui ne sont pas ou ne sont plus scolarisés et cherchent un emploi. Et la différence est de taille. En effet - et ce n’est pas forcément pour s’en réjouir-, les jeunes Français vont à l’école ou à l’université beaucoup plus longtemps que dans le reste de l’Europe. C’est cette réalité qui déforme de manière totalement caricaturale le fameux pourcentage de 23 %. Si l’on rapporte le nombre de jeunes chômeurs - 609 000 - à la totalité de leur classe d’âge - 7 833 709 -, on découvre alors - et c’est plutôt rassurant - que seuls 7,8 % des jeunes Français de 15 à 24 ans sont au chômage, soit... moins que la moyenne européenne (qui est de 8,2%) !

  • USA, ROYAUME UNI, des models à suivre (du coin de l’œil).

En terme d’emploi, le chômage est (en apparence) moins élevé en Grande Bretagne qu’en France, où le libéralisme est à l'oeuvre depuis dix-sept ans, ce qui provoque d’ailleurs l'extase d’un grand nombre d’observateurs, et de Nicolas Sarkozy qui ne cache pas son admiration pour Tony Blair. Pour exemple, de 93 à 96, le chômage est brutalement passé de 10.4% à 7.7%.

La magie repose toujours sur la question « où est le truquage ». Ici, on la trouve dans la méthode de calcul, ce qui ne manquera pas de rapprocher la démarche de la récente polémique des chiffres du chômage en France(**).

Le pourcentage de chômeurs dépend du nombre d’actif. Or, au Royaume Uni, la population active diminue, et ce pour trois principales raisons.

Première raison, les femmes sans emploi ne sont pas comptées comme faisant partie de la population active si leur conjoint travaille. Deuxièmement, un grand nombre de personnes accablées et découragées par la précarité des emplois disponibles et le très faible niveau des salaires s’excluent d’elles-mêmes du dispositif, les allocations chômages étant telles qu’elles sont du même effet. C’est aussi ce que l’on constate aux Etats-Unis, et c’est pourquoi le BIT prend en compte dans sa méthode de calcul du nombre de chômeurs les personnes qui souhaitent avoir un emploi et non ceux indemnisés. Enfin, le troisième grand motif est l'accroissement spectaculaire du nombre d’handicapés.

Considérant les bidouilles statistiques, notons donc aux Royaume Uni et Etats Unis l'extrême faiblesse des allocations chômage pour ceux qui peuvent en bénéficier (ce qui oblige à travailler à n'importe quelles conditions et salaire pour ne pas mourir de faim) et l'existence de contrats hebdomadaires de travail avec aucune heure garantie, obligeant le salarié (si l’on peut dire) à attendre chez lui un coup de fil (il n'est pas considéré comme chômeur puisqu'il bénéficie d'un "contrat de travail").

L'emploi à temps partiel est aussi beaucoup plus développé en Angleterre, avec des salaires réduits en conséquence. En 2005, 25,5 % des emplois anglais sont à temps partiel comparé à 17,2 % des emplois français. Flexibilité.

Quelques caractéristiques anglo-saxonnes : Pas de limite légale (minimum et maximum) à la durée hebdomadaire du travail, pas de congés payés annuels obligatoires, préavis de licenciement très court, période d'essai à l'embauche pouvant aller jusqu'à vingt quatre mois (possibilité d'un licenciement immédiat) -Je pense très fort au CPE-, forte proportion d'enfants obligés de travailler, parfois très jeunes, et en plus de leur horaire scolaire, pour aider leur famille à survivre (ça, c’est bon pour les chiffres du « chômage des jeunes »).

Après ce rapide constat de l’état de délabrement du système néo-libéral prôné par l’OCDE (et d’autres), il est intéressant de poser un œil ou deux sur la France, à travers une simple comparaison avec, justement, la Grande Bretagne.

En effet, de 1990 à 2005, la France a créé plus d’emplois que cette dernière. Pour une population presque équivalente en nombre, sur les 15 années, la France a créé 2 520 000 emplois (+11,25%) contre 1 520 000 au Royaume Uni (+5,82%). Dans le même temps, la population active (emploi + chômage) a beaucoup plus augmenté en France (2 970 000) qu'en Grande Bretagne (960 000)… Forcément…

Selon l’OCDE aussi, d’ailleurs, sur une période de quatorze années, de 1990 à 2004, la France a créé 82 % d'emplois en plus que l'Angleterre.

Comme nous l’avons vu plus haut, une grande partie des chômeurs anglais est aujourd’hui invalide, et une grande part de la population active a été mise de côté pendant ces 15 années.

Le model libéral anglo-saxon n’est donc pas la raison de la baisse du nombre de chômeurs, mais il a mis à l’écart tout un pan de la population. Le modèle social français fait tampon en limite les dégâts d'une récession économique sur l'emploi alors que le modèle libéral, anglais ou américain, amplifie ceux-ci.

  • Les 35 heures vont nous couler

Le nombre d'heures travaillées chaque semaine (environ 910 millions) est identique en France et en Grande Bretagne, malgré un nombre d'emplois différent. Cela s'explique encore mieux en comparant la durée réelle du travail (ensemble des emplois à temps complet et à temps partiel) : 31,72 h en Angleterre et 36,28 h en France (par semaine).

Les statistiques internationales relatives à la durée du travail, ne prennent en compte que les emplois à temps complet, ce qui donne une présentation très déformée de la réalité.

En prenant les statistiques émanant indépendamment de chaque pays, on constate que la durée du travail est en moyenne de 34 heures par semaine aux Etats-Unis, à comparer avec une durée de 36 h en France, de 32 h en Grande-Bretagne et de 29 à 36 heures dans les principaux pays européens, pour l'ensemble des emplois à temps plein et à temps partiel.

En 2006, le nombre officiel de chômeurs est de 7 001 000 pour une population active de 151 428 000 personnes, soit un taux de chômage de 4,6%.

Cependant, 4 786 000 personnes cherchent un emploi, ou souhaitent en avoir un (selon le BIT). Comme au Royaume Uni, elles ne sont pas comptabilisées, puisque non indemnisées et par conséquent non inscrites (quelle utilité ?)

En réintégrant ces gens parmi les chômeurs (11 787 000) et dans la population active (156 214 000), le taux de chômage apparent de 4,6 % se transforme en un taux de chômage réel de 7,5%. (mais ne le dites pas à Nicolas Sarkozy)

(*) Puisque l’occasion se présente, parlons de l’OCDE (L'Organisation de coopération et de développement économiques), qui encourage le libre-échange, la concurrence et voit comme solution au chômage la déréglementation du marché du travail, reprenant souvent des arguments proches du libéralisme économique, en opposition avec les principes keynesiens et les conceptions d'inspiration socialiste de l'Etat-providence.

L’OCDE, qui tire régulièrement les oreilles des ses mauvais élèves (qui immédiatement tirent à leur tour les oreilles de leurs citoyens et de leur système), a son avis sur l’université. Si le chômage des jeunes en France s’explique principalement par la fausseté des chiffres, qui ne prennent pas en compte les jeunes qui étudient, alors il serait préférable, comme au Royaume Uni par exemple, de diminuer cette durée. Le jeune est flexible, jetable, quel gâchis de le garder sur les bancs de l’école ! D’ailleurs, l’OCDE trouverait normal que l’on augmente les droits d’inscription, car « les étudiants qui payent font plus attention au choix de leur cursus ». Autant lire que ceux qui n’ont pas les moyens (non issus des bonnes familles ou éventuellement refusant de travailler au McDo) peuvent aller bosser, et s’insérer.

(**)Concernant la polémique des chiffres entre l’Insee, l’Anpe, le Bit,… les mensonges et autosatisfactions du gouvernement, visitez le site d’ACDC.

Le collectif ACDC -Les autres chiffres du chômage- propose des alternatives en terme de calcul.

Lire à ce propos http://acdc2007.free.fr/acdc0803.pdf

Extraits.

« Au delà des actuelles controverses, la recherche d’un « vrai chiffre du chômage » est vaine, car il existe une diversité de situations de chômage, de

sous-emploi et de précarité, qu’il importerait donc éclairer par un petit nombre d’indicateurs pertinents. » « L’enquête Emploi est la seule source conjoncturelle qui décrit à la fois l’emploi, l’activité et le chômage, tout en fournissant des informations sur les revenus et les conditions de travail. Ses résultats sont indépendants de la volonté des gouvernements. Dès que possible, et conformément à ses objectifs initiaux, elle devrait servir de base à des indicateurs trimestriels cohérents. Plusieurs pays publient chaque trimestre les résultats de leur enquête Emploi, le Canada les publie même chaque mois. L’Insee doit obtenir les moyens financiers et humains d’exploiter cette enquête à un rythme trimestriel. »

« Le psychodrame mensuel autour de la publication des statistiques de l’ANPE n’a plus aucun sens et incite les gouvernements à la manipulation de ces chiffres. Ces statistiques demeureront certes utiles pour l’analyse conjoncturelle à un rythme mensuel et surtout pour connaître la nature des demandes d’emploi à un niveau géographique fin, ce qu’aucune enquête statistique ne permet, étant donnée la taille réduite des échantillons.»

mercredi 28 mars 2007

Un flic? Devenir président?


Depuis le départ de Nicolas du poste qu'on connait, certains en profitent pour dresser un état des lieux, dirons nous. La moquette et les murs sont-ils intacts, etc.

C'est intéressant de tourner le regard vers les syndicats de police et leurs avis sur la question.

Petit survol, d'un état des lieux qui mérite une tentative d'abstraction de toute information élogieuse, mais je partage surtout mon point de vue.
Je note aussi que si Sarkozy peut effrayer un brin le jeune de banlieue pour qui, de toute façon, Sarko, c'est un fascho, c'est bien surtout sur ses idées et l'identité de ses consultants et amis à tous les niveaux (Alain Minc, Nicolas Baverez, Nicolas Bazire, François Fillon, Brice Hortefeux, Claude Guéant, Martin Bouygues, Edouard de Rothschild, Arnaud Lagardère, Michel Sardou hum.. etc...) qu'il semble capable de générer le plus de catastrophes.
Je reviendrais sur cet aspect là en fin de billet, il ne faut pas tout mélanger, quoique tout soit intimement lié.

Donc, les syndicats. Tous y sont allés de leur petit mot pour le départ de Nicolas, deux à travers des communiqués de presse, l'autre... dans la rue.
Ainsi apprend-on aujourd'hui de l'Afp qu'à
Marseille, des milliers de policiers ont manifesté mardi à l'appel de l'Unsa-police, premier syndicat de gardiens de la paix (premier depuis les dernières élections syndicales), pour dénoncer leurs conditions de travail et la "pression du chiffre" imposée par leur administration.
Le pire pour beaucoup de policiers dans le cortège, c'est la prime au mérite instaurée par l'ancien ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy et les quotas à remplir.
"On a beaucoup de chiffre à faire, pour pas grand chose. L'administration s'en contente, la vraie délinquance on n'y touche pas", expliquent deux policiers de Marseilles, 11 et 15 ans de métier. "Quand on est flic, mieux vaut faire une bonne affaire que trois ridicules. Mais pour l'administration, mieux vaut interpeller trois jeunes qui ont de la résine de cannabis dans la poche que le grossiste". "Nous, on a des notes de service nous demandant de faire des interpellations coûte que coûte. Et le code de déontologie, le code pénal ?" [...] "Et ce qui nous fait rager, ce sont les discours des responsables devant les caméras, surtout en période électorale".
etc etc

Les deux autres syndicats, plus toutou, et plus à droite aussi, saluaient bien bas leur ancien ministre de tutelle Le SNOP louant les compétences de Nicolas, mais condamnant quelques points de son action, et critiquant l'action du gouvernement concernant les retraites notamment :

Le Syndicat National des Officiers de Police prend acte de la décision de Monsieur Nicolas SARKOZY de quitter le Ministère de l'Intérieur à compter du lundi 26 mars 2007. [...] Nicolas SARKOZY aura marqué le Ministère de l'Intérieur au même titre que des prédécesseurs comme Pierre JOXE et Charles PASQUA, en s'appuyant à la fois sur des moyens budgétaires conséquents (LOPSI) et une présence importante sur le terrain au contact des policiers. La création des G.I.R., la lutte contre l'économie souterraine, la réforme des corps et carrières, la modernisation et l'accroissement des moyens et du matériel, traduisent la volonté de ce ministre de rendre encore plus efficace la lutte contre la délinquance.[...]

Cependant, un certain nombre de points ternissent le bilan, à commencer par la réforme des retraites (prise en compte très insuffisante de la dangerosité du métier de policier), la prime pour résultats exceptionnels mal comprise et inefficace, une culture du résultat axée sur d'excessives pressions statistiques, le maintien de nombreuses tâches indues détournant nombre de policiers de leur missions et le problème récurrent des heures supplémentaires ni payées, ni récupérées. Enfin, une abondance des textes législatifs qui aura marqué cette période sans parvenir à masquer une réalité: les conditions de vie et de travail des policiers ne sont toujours pas prises en compte. Un bilan donc mitigé pour le S.N.O.P. qui rappelle cependant qu'il refuse de s'inscrire dans toute démarche ou stratégie visant à exploiter, dans un sens comme dans l'autre, les efforts fournis au quotidien par les policiers pour garantir à leurs concitoyens une sécurité qui leur est due au-delà des polémiques partisanes.


Alliance, deuxième syndicat de gardiens de la paix, bien de droite celui-là, se défend bien de dire qu'un point noir resorte de l'action du ministre-candidat

Oeillères bien fixées, le syndicat a annoncé mardi dernier avoir lancé, depuis le 10 mars, une "enquête auprès de la population" afin "d'avoir sa vision de la police et de la sécurité" dans le cadre de l'élection présidentielle.
Les délégués du syndicat, selon un communiqué d'Alliance, sont invités à se rendre sur les marchés, dans les gares et lieux publics afin "d'interroger nos concitoyens" sur leur "intérêt pour les questions de sécurité".
Une série de questions leur est posée sur les missions, l'acccueil, le comportement ou l'efficacité des policiers et sur leur sentiment, ou non, d'insécurité "dans leur vie quotidienne".
Cette enquête, qui dure jusqu'au 31 mars, n'est pas anonyme, précise le syndicat de police, l'identité des personnes questionnées ainsi que leur lieu de résidence leur étant demandés.

Restons en là.

Ah.
J'oubliais.

Comme le disait dans libération du lundi 12 février 2007 un groupe composé d’ anthropologues, philosophes, sociologues, d’un professeur de droit et d’un avocat, l’heure est grave.
En effet, Nicolas cumule selon eux atlantisme agressif façon Thatcher et utilisation sans vergogne de tous les moyens de l'Etat (préfectures, services de police) ainsi que connivences avec les dirigeants des grands groupes de l'audiovisuel et de la presse écrite façon Berlusconi.

L'article est

mardi 27 mars 2007

Statistique

Rapport entre le niveau de vie des 10 % les plus riches et celui des 10 % les plus pauvres, après impôts et prestations sociales, hors revenus du patrimoine :










1970

1975

1979

1984

1990

1997

1999

2003

2004



4,8

4,3

3,8

3,5

3,4

3,3

3,2

3,2

3,1









Lecture : en 2004, le niveau de vie le plus bas des 10 % les plus riches était 3,1 fois supérieur au niveau de vie le plus élevé des 10 % les plus pauvres. Légère rupture de série en 2002. Ne comprend pas la majorité des revenus du patrimoine.

Source : Insee, enquêtes revenus fiscaux

Hum...
Pardon.



Bien évidemment, les dés sont pipés, comme le décrit Alternatives économiques ;
Il n’y a cependant pas profond à creuser pour s’apercevoir que ces chiffres dressent un portrait trompeur de l’état de la France. Les données sur les revenus ne prennent en compte que 20 % environ des revenus du patrimoine, tirés des portefeuilles financiers et de la propriété immobilière. Or, ces revenus progressent plus vite que la moyenne et constituent une part considérable du revenu des catégories aisées, qui possèdent l’essentiel du patrimoine. Sur les cinq dernières années, il est probable qu’une prise en compte de l’évolution de ces revenus, comme l’Insee en convient, aboutirait à constater une légère hausse des inégalités, en rupture avec la tendance sur longue période.
En outre, un phénomène simple demeure souvent oublié : des écarts relatifs stables signifient que les écarts absolus s’accroissent. Entre 1996 et 2002, les plus démunis ont vu leurs revenus (hors patrimoine, après impôts et prestations sociales) progresser de 12 %, à peu près comme les plus riches. Mais on ne vit pas avec des pourcentages : en six ans, le 1 % le plus aisé a disposé de 5 460 euros de plus à dépenser chaque année, contre seulement 1 100 euros pour les 10 % les plus pauvres, l’écart s’est donc accru de 4 300 euros.
Concernant les inégalités hommes-femmes, les tendances de longue période cachent un arrêt du rattrapage depuis dix ans. Surtout, les données concernent des salaires en équivalent temps plein, ce qui masque les écarts de salaires réellement perçus, le temps partiel étant largement féminin. En moyenne aujourd’hui, les hommes gagnent 40 % de plus que les femmes, et toutes n’ont pas choisi de travailler moins.
En matière d’éducation, les scolarités ne s’allongent plus depuis dix ans et l’échec scolaire ne baisse plus. La proportion de bacheliers parmi les fils d’ouvriers s’est certes accrue, mais celle des fils de cadres aussi, pour atteindre désormais presque 90 %. Les inégalités à l’école se sont déplacées vers le haut et les exigences des entreprises ont augmenté…
L’école peine à assurer un bon niveau d’éducation à tous les enfants. La crise du collège en témoigne, et la tentation est de diriger plus d’enfants vers des filières spécifiques. Premières victimes : les enfants issus des milieux populaires. C’est ainsi que les fils d’ouvriers représentent 44 % des élèves de l’enseignement adapté dans le secondaire et les fils de cadres seulement 1,6 %.
Enfin, la confusion est grande parmi les élites entre le niveau scolaire des jeunes générations et celui de la moyenne des Français : en 1999, date du dernier recensement, moins de 10 % de la population disposait d’un diplôme supérieur à bac + 2 et 37 % de la population avait au mieux le certificat d’études. A la faiblesse historique du niveau de formation initiale s’ajoute l’insuffisance de formation professionnelle continue à destination des moins qualifiés. En France, seule une partie très mince des actifs disposent d’une seconde chance.
On pourrait là aussi multiplier les exemples. Sur la situation des hauts revenus, terre inconnue des statistiques (mais l’Insee devrait publier une étude sur le sujet cette année), et dont certains atteignent l’équivalent de un à quatre siècles de Smic annuel. On pourrait également évoquer la situation des « minorités visibles », ignorées des statistiques : si le taux de chômage des étrangers originaires d’Afrique subsaharienne et du Maghreb dépasse les 35 %, c’est du fait de leur moindre niveau de diplôme, mais c’est aussi parce qu’ils font face à des discriminations. Plus généralement, le taux de chômage moyen masque des inégalités selon le sexe, l’âge, l’origine sociale ou culturelle, autant de handicaps qui se cumulent. La France des hommes, cadres, adultes et français est au plein-emploi, mais les populations les plus touchées sont aussi les moins organisées et les moins mobilisées.

Esclavage moderne


Les saisonniers agricoles étrangers sous contrats dits "OMI" (Office des Migrations Internationales) sont des travailleurs immigrés, vivant dans des conditions plus que déplorables, employés massivement dans les Bouches du Rhône où ils exercent "en toute légalité" leur activité sous couvert d'un contrat de type féodal.
La précarité de ce contrat tient tant à ce qu'il offre à la fin (aucune protection sociale), qu'à la dépendance extrême vis à vis de l'employeur, subissant abus et injustices sans possibilité de defense. Certains se sont cependant plaint, dénonçant leur exploitation devant les tribunaux.

Comme souvent sur ce blog, décidemment, je propose d'aller écouter l'émission relative aux contrats OMI chez là bas si j'y suis - OMI

Tout aussi instructif, en mode lecture également un papier efficace du collectif de défense des travailleurs étrangers dans l'agriculture, ici, et un papier de Patrick Herman pour le monde diplo.

Editions peu dispensables

Je parlais plus tôt de la maison d’édition Agone.
Dans un esprit similaire, on trouve beaucoup d'autres choses chez atheles. Ce dernier regroupe des éditeurs et des maisons de productions indépendants tels qu’Aden (politique), Agone (critique politique, histoire sociale, philosophie, littérature engagée, résistance culturelle), Centpages (littératures), Pierre Carles & co, Cris écrits (biographies, témoignages), Editions du croquant (critique politique, critique et innovation sociales), La Dogana (poèmes, proses, traductions, beaux-arts), La mauvais graine (littérature engagée), L’ami (économie sociale et solidaire), …

Je ne peux que recommander d’investir beaucoup de temps et un tout petit peu d'argent dans le catalogue des Éditions Raisons d’Agir. Toujours dans la même démarche qu’Agone notamment, Raisons d’agir présente « l’état de la recherche sur des problèmes politiques et sociaux d’actualité. Conçus et réalisés par des chercheurs en sciences sociales, sociologues, historiens, économistes, tous animés par la volonté militante de fournir des éléments de réflexion nécessaires à l’action politique dans une démocratie, ces petits ouvrages denses et bien documentés devraient constituer peu à peu une sorte d’encyclopédie populaire internationale. »

Pendant que nous y sommes, je précise que les prix des livres varient entre 4.57 et 8 €.

Petite liste vraiment pas exhaustive :

Fondé par Jean-Paul Sartre en 1973, pour « donner la parole au peuple », Libération est passé en 2005 sous le contrôle du banquier d’affaires Édouard de Rothschild.
Ces noces de la presse et de l’argent n’éclairent pas seulement le sort des journaux français livrés aux industriels. Libération fut aussi le laboratoire d’une métamorphose. Celle d’une gauche convertie au libéralisme dans les années 1980, et qui dissimule son conformisme économique derrière un rideau d’« audaces » culturelles.

Au-delà de l’analyse d’un cas exemplaire, ce livre examine les ressorts d’une révolution conservatrice dans la vie intellectuelle française.


xtrait du bouquin
Pierre Rimbert et Daniel Mermet







Les médias français se proclament « contre-pouvoir ». Mais la presse écrite et audiovisuelle est dominée par un journalisme de révérence, par des groupes industriels et financiers, par une pensée de marché, par des réseaux de connivence.

Alors, dans un périmètre idéologique
minuscule, se multiplient les informations oubliées, les intervenants permanents, les notoriétés indues, les affrontements factices, les services réciproques. Un petit groupe de journalistes omniprésents – et dont le pouvoir est conforté par la loi du silence – impose sa définition de l’information-marchandise à une profession de plus en plus fragilisée par la crainte du chômage. Ces appariteurs de l’ordre sont les nouveaux chiens de garde de notre système économique.

Plusieurs extraits ici
Et encore quelqu'un qui parle avec Daniel Mermet, l'émission est





Dénonciation des « violences urbaines », quadrillage intensifié des quartiers dits sensibles, répression accrue de la délinquance des jeunes et harcèlement des sans-abri, couvre-feu et « tolérance zéro », gonflement continu de la population carcérale, surveillance punitive des allocataires d’aides : partout en Europe se fait sentir la tentation de s’appuyer sur les institutions policières et pénitentiaires pour juguler les désordres engendrés par le chômage de masse, l’imposition du salariat précaire et le rétrécissement de la protection sociale.
Cet ouvrage retrace les voies par lesquelles ce nouveau « sens commun » punitif, élaboré en Amérique par un réseau de think tanks néo-conservateurs, s’est internationalisé, à l’instar de l’idéologie économique néo-libérale dont il est la traduction en matière de « justice ». Le basculement de l’État-providence à l’État-pénitence annonce l’avènement d’un nouveau gouvernement de la misère mariant la main invisible du marché du travail déqualifié et dérégulé au poing de fer d’un appareil pénal intrusif et ominiprésent.
Les États-Unis ont clairement opté pour la criminalisation de la misère comme complément de la généralisation de l’insécurité salariale et sociale. L’Europe est aujourd’hui confrontée à une alternative historique entre la pénalisation de la pauvreté et la création d’un État social continental digne de ce nom.

De modernité à gouvernance en passant par transparence, réforme, crise, croissance ou diversité : la Lingua Quintae Respublicae (LQR) travaille chaque jour dans les journaux, les supermarchés, les transports en commun, les « 20 heures » des grandes chaînes, à la domestication des esprits. Comme par imprégnation lente, la langue du néolibéralisme s’installe : plus elle est parlée, et plus ce qu’elle promeut se produit dans la réalité. Créée et diffusée par les publicitaires et les économistes, reprise par les politiciens, la LQR est devenue l’une des armes les plus efficaces du maintien de l’ordre.
Ce livre décode les tours et les détours de cette langue omniprésente, décrypte ses euphémismes, ses façons d’essorer les mots jusqu’à ce qu’ils en perdent leur sens, son exploitation des « valeurs universelles » et de la « lutte antiterroriste ». Désormais, il n’y a plus de pauvres mais des gens de condition modeste, plus d’exploités mais des exclus, plus de classes mais des couches sociales. C’est ainsi que la LQR substitue aux mots de l’émancipation et de la subversion ceux de la conformité et de la soumission.
Pour ne pas faire comme les autres, Eric Hazan participe aussi aux barbecues de Mermet : Là bas si j'y suis, 15 fév 06


Ces deux cours télévisés du Collège de France, présentent, sous une forme claire et synthétique, les acquis de la recherche sur la télévision.
Le premier démonte les mécanismes de la censure invisible qui s’exerce sur le petit écran et livre quelques-uns des secrets de fabrication de ces artefacts que sont les images et les discours de télévision.

Le second explique comment la télévision, qui domine le monde du journalisme, a profondément altéré le fonctionnement d’univers aussi différents que ceux de l’art, de la littérature, de la philosophie ou de la politique, et même de la justice et de la science ; cela en y introduisant la logique de l’audimat, c’est-à-dire de la soumission démagogique aux exigences du plébiscite commercial.

bourdieu sur la television en vidéo

Les livres déjà parus se trouvent sur homme-moderne.org

samedi 24 mars 2007

Emmanuel Todd


Emmanuel Todd, anthropologue, démographe (1), sociologue et historien auteur notamment des remarquables l'illusion économique et après l'empire, s'était distingué en 1995 avec la notion de fracture sociale reprise goulûment par Chirac (2) (et dont il ne revendique pas la paternité (3)).
Il a accordé le 5 mars dernier un entretien à Télérama.

Pronant l'abandon du dogme du libre échange, il pense que « tout le monde sent qu’un candidat qui arriverait avec un projet protectionniste européen bien ficelé serait élu, d’où qu’il vienne. »


Le 13 septembre 2006, vous déclariez dans une interview au Parisien : « Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy sont “les candidats du vide”. » C’est toujours votre opinion ?

A ce jour, je ne vois pas ce qui pourrait me faire changer d’avis. Je les appelle comme ça non pas pour leur côté people, la brume autour de leur vie de couple, mais pour une absence de discours sur la seule chose qui intéresse et angoisse les Français : le système économique qui a engendré la pression sur les salaires et l’insécurité sociale. Toutefois, il serait injuste de jeter l’anathème sur Sarkozy sous prétexte qu’il dit tout et n’importe quoi, et sur Ségolène Royal parce qu’elle ne dit rien sur l’économie, sans ajouter que François Bayrou les a malheureusement rejoints. Je persiste à dire que s’ils ne mettent pas la question du libre-échange au cœur de leur programme, ils seront à côté de la situation réelle du pays, des souffrances des gens. Cela explique que la campagne ne démarre pas, et que le corps électoral ne suive pas.

Vous dénoncez un « système médiatico-sondagier » qui aurait « imposé » le binôme Sarkozy-Royal...

Dans les phases pré-électorales, avant que les thèmes aient été présentés par les candidats ou les partis, l’électorat populaire est inerte. Les sondages qui ont été réalisés à ce moment-là représentaient l’opinion des classes moyennes, et plutôt des classes moyennes supérieures, parmi lesquelles on trouve les journalistes, les sondeurs... Ces derniers le savaient mais, au lieu de reconnaître que leur boulot ne valait rien, ont préféré dire : « les sondages sont une photographie de l’opinion à un moment donné ». C’est une escroquerie ! Ils suggèrent que l’opinion change, alors qu’on assiste en réalité à un phénomène de formation, de cristallisation d’une opinion populaire qui n’existait pas et qui émerge dans le courant de la campagne.

Mais ce ne sont quand même pas les sondeurs qui ont choisi Ségolène Royal !

Il est vrai que les adhérents n’étaient pas obligés d’écouter les sondages qui leur disaient que seule Ségolène Royal avait des chances. Beaucoup plus qu’il n’a désigné sa candidate, le PS s’est révélé indifférent aux questions économiques. C’est dommage, lorsque l’on voit qu’un Fabius, dans ses derniers discours, a mûri sa réflexion et propose une vraie vision de l’Europe.

Un peu tard...

Oui, mais il ouvre aujourd’hui la voie à une contestation efficace du libre-échange. Et le premier candidat majeur qui abordera le sujet cassera la baraque !

A quoi le voyez-vous ?

A l’automne dernier, j’ai fait quelques interventions radio en faveur de ce que j’appelle « un protectionnisme européen raisonnable ». La montée d’un prolétariat chinois sous-payé a un effet gravement déflationniste sur les prix et les salaires des pays industrialisés et elle n’est pas près d’être enrayée, car la Chine est un pays totalitaire. Il faut donc des barrières douanières et des contingentements provisoires. J’ai été très frappé de la réceptivité de la société française à cette remise en question du libre-échange. Puis Dominique de Villepin m’a demandé d’ouvrir la conférence sur l’emploi par un topo sur le sujet. Lorsque vous intervenez, non plus à la radio, mais au cœur du système, en présence du Premier ministre, du ministre de l’Economie, des syndicats, du Medef, c’est la panique. Tout le monde sent en effet qu’un candidat qui arriverait avec un projet protectionniste européen bien ficelé serait élu, d’où qu’il vienne. Et personne ne peut rire d’une Europe protégée de 450 millions d’habitants, d’autant moins qu’elle pourrait réaliser l’impossible, c’est-à-dire, à l’intérieur de chaque pays, la réconciliation des dirigeants et des groupes sociaux.

Vous avez déclaré que l’émergence du thème protectionniste viendrait plutôt de la droite...

Le Parti socialiste et l’UMP sont tous deux décrochés des milieux populaires et probablement d’une bonne partie des classes moyennes. Ce sont des superstructures qui flottent dans les classes moyennes supérieures. Mais cette oligarchie est coupée par le milieu : le PS représente l’Etat, et l’UMP, le marché. Ceux qui sont bien logés dans l’appareil d’Etat - fonctionnaires de catégorie A, j’en fais partie - ont une indifférence encore plus grande aux maux du libre-échange. A droite, c’est vrai que le capitalisme financier s’en contrefout. Mais ce n’est pas le cas des secteurs de production. N’oubliez pas que le premier théoricien du protectionnisme, l’économiste allemand Friedrich List, était un libéral. Les protectionnistes sont des adeptes du marché, à condition de définir la taille du terrain...

La régulation du marché ne serait pas qu’une histoire de gauche ?

D’abord, il faut rappeler que les socialistes ont une arrogance de bons élèves que n’ont pas les gens de droite. Ils oublient facilement que dans l’histoire des idées économiques, les basculements sont transpartisans ; au début des années 70, la gauche et la droite étaient en faveur d’une économie régulée par l’Etat. Le basculement dans l’ultralibéralisme a fini par toucher tout le monde. Si l’on en vient, comme je l’espère, à l’idée que la protection européenne est la bonne solution, au final, gauche et droite seront d’accord. Reste à savoir qui va démarrer le premier.

Vous avez eu des mots très durs pour « la petite bourgeoisie d’Etat », qui « ne comprend pas l’économie »...

L’une des forces de la France, c’est son égalitarisme, et la capacité de sa population à s’insurger. Cet esprit de contestation explique dans notre pays la suprématie de la sociologie. En revanche, la France n’a jamais été en Europe l’économie dominante, elle a toujours été, depuis le Moyen Age, en deuxième position. La pensée économique française est donc restée à la traîne. Il se trouve que notre unique Prix Nobel d’économie, Maurice Allais, un vieux monsieur, est protectionniste ! Alors on décrète que notre vieux Prix Nobel ne vaut rien en économie... Ne soyons pas naïfs, toutes les rigidités ne sont pas intellectuelles, car deux nouvelles catégories de soi-disant économistes sont apparues : des types issus de la haute fonction publique, d’autant plus adeptes du marché qu’ils ne savent pas ce que c’est, et des économistes bancaires, qui sont en fait des commerciaux dont les intérêts sont imbriqués à ceux du système.

Vous avez prédit en 2003 le déclin américain, qu’on ne voit toujours pas venir...

Je maintiens que si une économie est puissante, cela s’exprime dans l’échange international. Or, les Etats-Unis, avec 800 milliards de déficit commercial, sont déficitaires avec tous les pays du monde, y compris l’Ukraine. Les Etats-Unis, c’est le pays des mauvaises bagnoles, des trains qui vont lentement, où rien ne marche très bien, où il est difficile de faire changer un compteur à gaz en dehors des grandes villes, où la mortalité infantile est la plus forte du monde occidental. Où l’informatisation et la robotisation - c’est masqué par l’essor des ordinateurs individuels - est faible. Là-bas, le discours sur l’économie virtuelle, sur « l’immatériel », est un discours délirant. Parce que l’économie, ce n’est pas l’abolition de la matière, mais sa transformation par l’intelligence.De temps en temps, l’état réel de l’Amérique apparaît : face à un événement comme l’ouragan Katryna, l’économie virtuelle, les avocats, les financiers, pas terrible, hein...

C’est cette Amérique-là qui fascine Nicolas Sarkozy...

Ce n’est pas tant le bushisme de Sarkozy qui est scandaleux, que sa mauvaise maîtrise du temps, son manque d’à-propos, puisqu’il est allé faire allégeance à Bush juste avant que l’énormité de son échec en Irak ne soit reconnue aux Etats-Unis mêmes ; quant à Ségolène Royal, elle a manifesté une vraie rigidité de pensée en refusant pour l’Iran le nucléaire civil aussi bien que militaire. Je ne vois pas comment ces deux candidats pourraient penser le protectionnisme européen, question qui suppose intérêt pour l’économie, mais aussi maîtrise de la politique étrangère, car la première chose qu’il va falloir faire, c’est négocier avec l’Allemagne !

L’économie allemande est repartie. En quoi l’Allemagne aurait-elle besoin du protectionnisme ?

Pour les idéologues du libre-échange, l’Allemagne est le pays qui réussit le mieux. Mais de mon point de vue, c’est celui qui arrive le mieux à se torturer lui-même. Au prix d’une terrible compression salariale, l’Allemagne a abaissé ses coûts de production et gagné des parts de marché en Europe, contribuant à l’asphyxie de la France et de l’Italie.

Elle aurait maintenant tout à gagner à un marché européen prospère, où l’on protège nos frontières, augmente les salaires, gonfle la demande intérieure. Tout cela, il faut le penser, être capable de le négocier. Et je ne ressens pas dans notre binôme cette compétence diplomatique...

Le système libéral peut-il se régénérer ?

Le libre-échange intégral et la démocratie sont incompatibles, tout simplement parce que la majorité des gens ne veut pas du libre-échange. Donc, soit la démocratie gagne et on renonce au libre-échange, soit on supprime le suffrage universel parce qu’il ne donne pas les résultats souhaités par les libéraux. Le seul pays à avoir jamais inscrit dans sa Constitution le libre-échange a été les Etats américains sudistes, esclavagistes. Le Nord, industriel et démocratique, derrière Lincoln, était protectionniste. Normal, puisque le protectionnisme définit une communauté solidaire et relativement égalitaire, alors que le libre-échange suppose des ploutocrates et une plèbe. La Chine a résolu le problème : c’est un modèle totalitaire qui pratique le libre-échange. Avec la Chine, on parle d’un modèle capitaliste imparfait, alors que c’est peut-être le modèle achevé !

Si l’Europe se décidait pour le protectionnisme, comment la Chine réagirait-elle ?

Elle s’écraserait parce qu’elle a trop besoin des machines-outils allemandes. Le rétablissement d’une souveraineté économique aux frontières de l’Europe renforcerait nos capacités de négociation. Le protectionnisme, ce n’est pas l’autarcie, on définit des zones de protection, tout peut se négocier. Ce n’est pas un univers idéologique, contrairement au libre-échange qui prétend avoir une recette universelle pour tous les produits.

Autre sujet polémique, l’Iran, que vous déclarez depuis 2002 être engagé « dans un processus d’apaisement intérieur et extérieur »...

En octobre, dans Marianne, je disais : Ahmadinejad et ses horreurs sur l’Holocauste, ce n’est que la surface des choses, il faut faire le pari d’un Iran avec de vraies virtualités démocratiques, associé à sa spécificité chiite, parce que le chiisme, culture du débat, de la révolte, est une bonne matrice pour la démocratie. Or, que s’est-il passé ? Ahmadinejad s’est pris une claque électorale. Vous remarquerez d’ailleurs que l’Iran, où l’alphabétisation des femmes a fait chuter la fécondité à 2,1, où les étudiants sont en majorité des étudiantes, est un pays qui n’arrête pas de voter ! Il faut donc continuer à dire tout le mal qu’on pense d’Ahmadinejad, mais résister aux provocations, ne pas se laisser entraîner par les Etats-Unis dans une confrontation.

Pourquoi l’Europe devrait-elle se rapprocher de l’Iran ?

L’objectif des Etats-Unis n’était pas seulement de faire la guerre en Irak mais d’entraîner Français et Allemands dans cette guerre, et ils feront de même avec l’Iran. Par ailleurs, l’intérêt des Iraniens est d’importer des machines-outils européennes, celui des Européens, inquiets de la prédominance de la Russie dans leurs approvisionnements énergétiques, est d’avoir un deuxième partenaire. Ma position traduit un désir de paix mêlé d’une géopolitique raisonnable. Mais je crains que les Américains n’attendent la présidentielle française pour déclencher leur attaque sur l’Iran, une fois débarrassés de Chirac. Il faut donc absolument contraindre nos deux candidats à dire ce qu’ils feraient en cas d’attaque américaine.

Le goût de la prospection, d’où vous vient-il ?

De formation, je suis historien. C’est normal de vouloir connaître la suite de l’histoire non ? Je ne suis jamais allé en Iran, et je n’étais pas allé en Union soviétique avant d’annoncer l’effondrement du système, mais je ne suis pas davantage allé dans le XVIIIe siècle. Sur ces pays, je travaille en historien, à travers des documents, des paramètres, des statistiques. Et je prolonge des tendances... Tous les historiens ne se promènent pas dans le futur immédiat... On va souvent vers l’histoire pour échapper au présent, pour se réfugier dans le bruit et la fureur des événements d’autrefois. Mais quand on parle à des médiévistes, on s’aperçoit qu’ils ont une vision aiguë du présent. Simplement, ils n’ont pas le goût de faire ça. Il faut dire que le présent est très inquiétant. En ce moment, je travaille sur les systèmes familiaux du passé, et quand j’essaie de dater l’émergence de la famille communautaire en Chine, dans mon petit bureau, avec mes petites cartes, je me sens protégé


Propos recueillis par Vincent Remy pour Telerama


(1) Ses théories tentent d'analyser le fonctionnement et les évolutions de nos sociétés de manière globale. Sa thèse principale est que de nombreux phénomènes socio-politiques et économiques sont générés en fonction de déterminants tels que
  • des facteurs démographiques : taux de fécondité, taux d'alphabétisation, taux de mortalité infantile, etc.
  • des facteurs anthropologiques : Emmanuel Todd attribue une influence prépondérante aux structures familiales des sociétés, qu'il étudie de façon détaillée dans ses premiers ouvrages.
(2) Il a aussi dit dans un entretien que publiait L'Humanité du mardi 29 avril 06 qu'il votera " communiste, joyeusement et sans état d'âme particulier ". Considérant M. Chirac comme " un chef d'Etat incompétent ", il lui reprochait sa " conversion à un euro-extrémisme aveugle ".
Le 25/08/06, il disait aussi
" j'ai de quoi être honteux de ce que Chirac a fait de mes idées ".
(3)
Il reprend en réalité le concept de Marcel Gauchet